COUPER LE CORDON
J’ai commencé à courir pour accompagner ma douce lors de ses sorties et cette dernière aime gambader en musique. Alors comme au cinéma, dès que la séance commence on se tait, on se met dedans et une fois finie, on en reparle, débriefe tout ça tout ça. Ca ne me dérangeait pas d’autant qu’il faut l’avouer, quand on débute, taper la discute en soufflant comme bœuf, on ne maitrise pas vraiment.Dès la deuxième sortie, me voilà donc avec le mp3 clippé à la ceinture, les écouteurs vissés sur les oreilles et le fil, glacé contre ma peau (du moins les premières minutes), ballotant sous mon T-shirt. C’est vrai, c’est sympa la musique, on se concentre sur autre chose, c’est porteur et puis ça chasse l’ennuie. Heu non, là j’abuse, quand on débute on n’a pas le temps de s’ennuyer. A mes début, je ne faisais pas x km mais plutôt 3 chansons ; « Ouai, t’as vu j’ai fait 4 chansons aujourd’hui. »À partir de cet instant, j'ai commencé à élaborer ma playlist; une chanson cool au début pour partir tranquille puis du « qui bouge », rock, métal... Indispensable ma musique pendant mes sorties en solitaire, je me suis même surpris à penser « Mais il est oooùùùù ce fichu mp3, je ne vais pas pouvoir aller courir sans. » Et un jour, un de mes écouteurs, qui commençaient à devenir fort odorants (et oui je transpires aussi des oreilles quand je cours), est tombé en panne. Qu'à cela ne tienne, une oreille, un seul coté, c'est déjà ça. Résultat, j'ai eu l'impression d'être bancal tout du long, il n'y aurai pas eu de chemins j'aurais tourné en rond. Résigné, la fois suivante je suis parti sans et, surprise, non seulement ça ne m'a pas manqué mais en plus je me suis rendu compte qu'en fait je n'écoutais pas vraiment la musique et que ça me perturbait plus qu'autre chose.Depuis, je n'ai plus jamais remis les écouteurs (ça fait un peu alcoolique anonyme dit comme ça), j'ai coupé le cordon et maintenant je n'y trouve que des avantages:- j'aime parfois courir en groupe et ce n'est pas très conviviale chacun dans sa musique,- je suis tenté de me caler sur le rythme de la musique plutôt que le mien,- je transpires moins des oreilles, vous savez les oreilles qui grattent après une sortie longue,- pendant les séances de fractionnés, j'entends les bips de la montre,- j'aime me perdre sur les petits chemins du bois de Vincennes et j'avoue qu'en fonction de l'heure, ça me rassure d'entendre ce qu'il se passe autour de moi. Vous savez le petit sursaut lorsque ce coureur plus rapide vous double alors que vous ne l'avez pas entendu arriver,- ou l'inverse, quand c'est toi qui t'apprêtes à doubler ce promeneur et qu'il se retourne pour voir qui arrive dans son dos alors que tu es à 30m de lui. « Il a une ouïe bionique ou quoi? » Que nenni c'est toi, dans le dur, super bruyant, le pas lourd et le souffle rauque. Tu ne t'étais même pas rendu compte du boucan que tu faisais en tapant brutalement le sol et après tu t'étonnes d'avoir mal au genou le soir,- et puis enfin, dans les moments difficiles, il y a deux écoles, ceux qui pensent à autre chose (se focaliser sur la musique peut être très utile) et ceux qui se concentrent sur la douleur pour mieux la dompter. Je suis de la deuxième catégorie, je fais le vide dans ma tête, je m'écoute, me concentre sur mon souffle et mes sensations.? Je ne suis pas un intégriste de l'écouteur, chacun court comme il le sent tant que le plaisir est là et moi, décidément, j'aime courir sans musique.Si vous avez aimé cet article, vous aimerez surement ceux-ci :
